Né le 28 janvier 1950, inspecteur des finances, avocat à la cour, Philippe Marini est aussi maire de Compiègne. Il est l’auteur de nombreuses propositions de loi dans les domaines de l’épargne et de la finance.

– Quelle sera votre mission en tant que président de la commission des finances du Sénat ?
La nouvelle majorité sénatoriale a souhaité, par parallélisme avec la règle instituée à l’Assemblée nationale, donner la présidence de la commission des finances à un membre de l’opposition sénatoriale. Je conçois mon rôle, dans le contexte de crise grave que nous traversons, comme celui d’un facilitateur de l’indispensable consensus sur des sujets économiques et financiers qui touchent à notre indépendance. L’accord auquel nous sommes parvenus sur Dexia prouve qu’il est possible de nouer un dialogue constructif lorsque l’intérêt national est en jeu. La discussion du budget fera vraisemblablement ressortir des lignes de faille plus difficiles à surmonter, mais je m’attacherai en toutes circonstances à promouvoir cet esprit d’union, nécessaire à la conduite des réformes dont notre pays a besoin.

– La fiscalité française est-elle adaptée aux nouvelles exigences budgétaires ?
La fiscalité française obéit à une architecture compliquée, qui la rend peu lisible. Affichant des taux faciaux d’imposition élevés, elle est truffée d’exemptions en tous genres, ce qui conduit à deux effets indésirables : elle apparaît comme un facteur de moindre compétitivité de l’économie française, mais elle empêche également toute évolution, chaque catégorie de contribuables étant désireuse de conserver la « niche » dont elle bénéficie. Mon rapport d’information de mai 2011 sur le montant de ce que je propose d’appeler les « allègements de prélèvements obligatoires » proposait un chiffrage – 300 milliards d’euros – supérieur d’environ 50ù aux estimations du gouvernement. Si pour des prélèvements obligatoires de 800 milliards d’euros, on a 300 milliards d’euros d’allègements, cela signifie que ceux-ci réduisent les prélèvements obligatoires de plus de 25%. 300 milliards d’euros, ce sont 15 points de PIB. La fiscalité française n’est donc pas adoptée nouvelles exigences budgétaires.

– La chasse aux riches fiscales souvent destinées à favoriser un secteur économique (immobilier, PME…) est-elle justifiée ?
Le récent « rapport Guillaume » suggère, au terme d’une analyse « niche par niche », qu’environ deux tiers des dépenses fiscales et un tiers des dépenses sociales sont peu ou pas efficaces. Ce rapport n’est pas parole d’Evangile, mais il montre bien qu’il existe des marges de manœuvre substantielles au cas par cas.
Cependant, cette démarche me paraît devoir se heurter à l’action de groupes de pression, plus ou moins puissants, qui voudront sauvegarder leurs avantages et trouveront toujours les arguments pour le faire.

Deux tiers des dépenses fiscales et tiers des dépenses sociales sont peu ou pas efficaces.

En ce qui me concerne, je suis donc partisan d’une réduction des niches par l’application d’un « rabot » uniforme aussi large que possible. Je vous donnerai un seul exemple : diminuons de 10% l’écart entre le taux réduit de TVA de 5,5% et le taux normal de 19,6% et portons le taux réduit à 7%. La majoration serait trop faible pour avoir un impact récessif sur l’économie, mais ce sont 4 milliards d’euros supplémentaires de recettes qui seront dégagées pour l’Etat. Les « coups de rabot » ont été jusqu’à présent trop timides : le gouvernement doit s’engager plus résolument sur cette voie, y compris en matière d’impôt sur le revenu.

– Le durcissement de la fiscalité des valeurs mobilières dans contexte de crise boursière n’est-il pas de nature à détourner définitivement les particuliers des placements en actions ?

Dans un contexte de crise grave des finances publiques, il n’est pas anormal que les gains tirés de l’épargne contribuent au redressement des comptes, au même titre que les autres capacités contributives. Néanmoins, davantage encore que la crise boursière actuelle, qui se traduit par une certaine frilosité de la part de nombreux investisseurs particuliers, c’est la situation de moyen et de long terme qui devrait nous préoccuper. En particulier, l’entrée en vigueur de la directive « Solvabilité II » risque d’entraîner un désengagement très significatif des assureurs des placements en actions. Cela peut être grave, à la fois pour la solidité de nos entreprises et pour notre « souveraineté économique », car il serait dangereux que nous dépendions à l’excès d’actionnaires étrangers. C’est pourquoi je considère que la fiscalité de l’épargne doit financer plus nettement la détention à long terme d’actions européennes.

– La tendance actuelle semble rapprocher la fiscalité de l’épargne de celle des revenus. Un alignement serait-il opportun ?

Je ne suis pas favorable à un alignement. En matière de fiscalité, la recherche de la seule « justice fiscale » ne suffit pas. Il faut également penser en termes d’efficacité et de compétitivité. Or les études montrent que plus on dispose de ressources à placer, plus on diversifie son portefeuille en actions. Et donc, si l’on veut encourager la détention d’actions, nous devons conserver au moins la possibilité d’opter pour un prélèvement forfaitaire libératoire. D’ailleurs, les responsables de l’OCDE que la commission des finances a entendus au début de cette année, lorsque nous préparions la réforme de la fiscalité patrimoniale, nous ont clairement expliqué que ce modèle tend à se répandre en Europe.

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